Corimé, les diables siciliens

Un vent glacial frappe sur le parvis de la Maison de la Culture de Grenoble, immédiatement oublié dès qu’arrivent les inscrits de la soirée, hésitants, puis souriants en se retrouvant, dans le somptueux hall bourdonnant.
Les saluts vont bon train, on se donne les nouvelles des uns, des autres. Justement, Corimé, c’est un terme chaleureux pour interpeller un ami, une personne chère en Sicile ! Nous y voilà !

Plaisir d’une place attitrée confortable, nous voici enlevés pour deux heures par tour à tour une source, un orage, un incendie, une cascade, une tendresse, un hommage, une émotion graduelle, si puissamment offerts par la langue italienne.
Il est dit que Maurizio et Roberto Giannone “dessinent des paysages saturés de couleurs et bruissant de vie, leurs voix savent la nuance et la retenue pour raconter l’amour et la cendre, la beauté et la mélancolie du monde, la fraternité et la cruauté du destin. S’ils puisent dans leurs racines, ils composent des mélodies aux sonorités actuelles expressives et généreuses …”
Voix exceptionnelles, magnifiées jusqu’à la finale par le grand Caruso !
Virtuoses aussi le violoncelle de Daniela Savoldi , le violon de Stefano Zeni et la basse de Davide Dejana.
Les frères Giannone se déchaînent, furieux, suaves, inlassables, à la guitare, aux multiples et improbables percussions, glissant encore un peu de duduk arménien, de hulusi thai …on sent que la salle en a le souffle coupé !

“Des diables, celui du milieu surtout c’est un diable” concluront plus tard, les yeux brillants, ceux de notre petit groupe émerveillé.

Corimé, siciliens près du rivage, évoquera ceux-là même qui viennent y échouer, naufragés et rescapés …
Et puis le poème d’Erri de Luca, Valore …
Oui, nous accordons de la valeur au flocon de neige, à la mouche,
à celui qui compte pour peu et pour rien demain, à l’amour,
à la république des étoiles, à l’idée qu’il existe un Créateur, ..mais pour ces valeurs,
la mélodie aussi se montre fugitive …
Qui d’entre nous, dont plusieurs polyglottes, s’entendait en italien ?
Et pourtant !
“Vraiment, là, c’est de la qualité ! Merci, merci vraiment”
Nous nous congratulons, joyeux d’avoir partagé un si beau concert, oublieux
un instant de la rudesse de nos chemins.

Monique Bureau