Le projet de loi « asile-immigration a été adopté par l’Assemblée Nationale le 22 avril 2018 . Il sera examiné par le Sénat en juin et l’on peut penser que la loi sera promulguée avant fin 2018 .
A ce stade, et après lecture et analyse attentives, mais non exhaustives, des dispositions adoptées, il est possible d’en dégager quelques lignes directrices.
Le texte contient tout d’abord quelques avancées, notamment : délivrance d’une carte pluriannuelle de 4 ans pour les apatrides et les personnes bénéficiant de la protection subsidiaire, puis délivrance d’une carte de résident de plein droit ; possibilité pour les mineurs ayant obtenu le statut de réfugié de faire venir, non seulement leurs parents, mais également leurs frères et sœurs ; possibilité pour les demandeurs d’asile, sauf refus de l’administration dans les 2 mois, de travailler au bout de 6 mois, et non plus de 9 mois, ( ce qui abrège en pratique le délai antérieur de 1 mois) ; mesures prises en faveur des mineurs étrangers isolés en contrat d’apprentissage ; possibilité de demander l’aide au retour, même en cas de placement en rétention ; admission exceptionnelle au séjour pour des personnes hébergées depuis au moins 3 ans par des organismes d’accueil communautaires et d’activités solidaires si elles sont soutenues par ceux- ci .
En revanche, il restreint très fortement les droits fondamentaux des migrants.
Par la réduction des délais :
- pour demander l’asile : 90 jours à compter de l’entrée en France pour faire la demande ( et non plus 120 ), les dossiers déposés après ce délai étant examinés selon la procédure accélérée, et donc avec de moindres garanties
- pour former un recours contre les décisions de l’OFPRA devant la CNDA( 15 jours au lieu de 1 mois )
- pour contester devant le président du tribunal administratif la décision de transfert dans un autre État ( dublinés ) : 7 jours au lieu de 15
Par le caractère non suspensif du recours devant la CNDA :
- pour les personnes retenues ou assignées à résidence, si elles font l’objet d’une OQTF non susceptibles de recours, sauf si une demande est formée dans les 48 h du placement en rétention ou de l’assignation à résidence devant le président du tribunal administratif et acceptée par lui
- pour les personnes ayant fait l’objet d’une décision de rejet par l’OFRA prise en procédure accélérée en cas de provenance d’un pays sûr, sauf si le président du tribunal administratif saisi d’un recours contre l’OQTF subséquente l’accepte
Par la systématisation du recours à la vidéo-conférence, même en cas de refus par l’intéressé
Par l’obligation, sauf circonstances nouvelles, de demander en même temps l’asile et un titre de séjour
Par l’augmentation, de 45 à 90 jours, du délai de rétention, et par l’obligation d’information de la personne retenue sur ses droits, dans le lieu de rétention et non plus, à compter de son arrivée dans le centre, ce qui risque de différer, et donc de rendre moins effectifs, le recours aux droits garantis
Par la cessation du droit au maintien sur le territoire à la date de la lecture de la décision de la CNDA en audience publique (et non plus de sa notification)
Par la suppression du droit au séjour au cas où la demande de réexamen de la situation par l’OFPRA a été déclarée irrecevable, dans le cas où cet Office a pris une décision de rejet dans le cadre de la procédure accélérée en cas de provenance d’un pays sûr, ce qui prive le demandeur qui intente un recours de l’ADA et d’un hébergement
Par la possibilité de retenir dans un local de police ou de gendarmerie pendant 24 h, et non plus 16 h, les personnes faisant l’objet d’un examen de leur droit de circulation ou de séjour
Par la possibilité d’obliger l’étranger à rester à son domicile pendant 4 heures consécutives par 24 heures en cas d’assignation à résidence .
Enfin, ce texte est aussi celui de deux occasions manquées :
- la première, c’est celle de n’avoir pas supprimé la rétention des mineurs, malgré plusieurs condamnations de la France par la Cour Européenne des Droits de l’Homme
- la seconde, c’est de n’avoir pas modifié la définition du « délit de solidarité », en ne supprimant pas la référence à « la contrepartie directe ou indirecte » et en laissant ainsi la possibilité de sanctionner des personnes, qui, dans un cadre associatif, viendraient en aide à des étrangers en situation irrégulière .
M. Comte