01/12/2017 – CQFD / « Dublinés » en rétention : c’est illégal, mais ça continue

Ça s’appelle le règlement de Dublin : si un étranger a déjà déposé ses empreintes digitales dans un autre État de l’Union européenne, la France peut refuser d’examiner sa demande d’asile et le renvoyer dans le pays en question. Sauf que bien des exilés renâclent : hors de France, les conditions d’accueil sont souvent pires, et les renvois dans les pays d’origine parfois plus probables. Alors, pour éviter que les étrangers ne fuient avant leur transfert, les préfectures peuvent les assigner à résidence. Fréquemment même, elles les enferment en centre de rétention administrative (CRA).

Oui mais voilà, le 27 septembre dernier, la Cour de cassation a estimé que le placement en rétention des « dublinés » était illégal, car la loi française ne fixe pas de « critères objectifs » pour apprécier le risque de fuite. Ce vide juridique sera sûrement comblé dans la prochaine loi sur l’immigration, attendue début 2018. Mais en attendant, la Cour de cassation étant la plus haute juridiction du pays, sa jurisprudence devrait s’appliquer partout en France. Il n’en est rien.

Samedi 18 novembre, sous les yeux de l’auteur de ces lignes, un Éthiopien 1 a vu la prolongation de sa rétention autorisée par un juge marseillais, bien que son avocate ait rappelé
La Cimade – Revue de presse 14

l’existence de l’arrêt de la Cour de cassation. Dans son ordonnance, le magistrat n’y a d’ailleurs fait aucune référence.

Un tel cas n’a rien d’isolé : le 20 novembre, la Cimade (association de défense des droits des étrangers) nous assurait qu’en France, au moins plusieurs centaines de personnes « dublinées » étaient encore « privées de liberté illégalement ». « Bien que la plupart des juridictions suivent la ligne de la Cour de cassation et annulent les placements en rétention des personnes sous procédure “ Dublin 6, certains tribunaux ont une autre interprétation que celle de la juridiction suprême, dénonce Maryse Boulard, chargée du soutien et des actions juridiques à la Cimade. Il en résulte qu’un même droit n’est pas appliqué de la même façon sur le territoire, aux dépens des personnes étrangères. »

Clair Rivière